La chimie en cuisine : jusqu’à la cuisine note à note
Juliette ALVES
La chimie est partout ! Et donc aussi dans la cuisine. Faire cuire un steak à la poêle ou flamber un plat au
cognac sont deux réactions chimiques, tout comme de nombreuses étapes de recettes. Alors à votre blouse
ou à vos fourneaux, découvrons ensemble la place de la chimie dans la cuisine.
La cuisine des mélanges :
La cuisine peut parfois se résumer à des mélanges. Un peu d’eau, un peu de farine, de la levure et pouf, ça fait du pain ! Ou encore de l’huile et un œuf et on obtient une mayonnaise. Mais la mayonnaise demande aussi de l’huile de coude pour arriver à former une émulsion, le terme chimique de la mayonnaise. En effet, une mayonnaise est constituée de microgouttelettes d’huile dans de l’eau (qui provient de l’œuf). Les gouttes d’huile sont tellement petites, qu’il est impossible de les voir à l’œil nu. On pense alors que la mayonnaise est homogène. Pour faire une mayonnaise, il faut donc utiliser toute sa force pour casser le filet d’huile en petites gouttes invisibles. Heureusement, un élément supplémentaire est présent dans cette émulsion : un émulsifiant. L’émulsifiant va aider à stabiliser l’émulsion et à garder une mayonnaise stable dans le temps. Ici, il s’agit de la lécithine qui provient du jaune d’œuf ! La lécithine contient une partie lipophile, qui aime la graisse, et une partie hydrophile, qui aime l’eau, elle permet alors de faire le lien entre l’huile et l’eau. La vinaigrette, composée d’huile et de vinaigre, est également une émulsion, mais celle-ci est instable. En effet, si on arrête de mélanger, l’huile et le vinaigre vont avoir tendance à se séparer. Cela est dû à l’absence d’émulsifiant.
La chimie de la cuisson :
Il existe de nombreuses manières de cuire un aliment : au four, au micro-ondes, à la poêle, à la vapeur, … Mais ces méthodes ne se valent pas, elles ne donnent pas le même goût aux aliments, ni les mêmes qualités nutritives. Tout cela, on le sait grâce à Louis-Camille Maillard (1878-1936), un chimiste français qui a observé et décrit pour la première fois en 1911 l'apparition de la couleur brune typique des aliments cuits. En son honneur, les réactions de cuissons ont été renommé réactions de Maillard ! Chaque méthode de cuisson correspond alors à sa propre réaction de Maillard et fait développer des arômes différents aux aliments. Les réactions de Maillard sont plus rapides à haute température (supérieure à 100 °C) mais attention, à 180 °C, les réactions de Maillard s’arrêtent pour laisser place à la pyrolyse, responsable du goût brûlé des aliments! Avec une température inférieure à 100 °C, les réactions de Maillard sont plus lentes, il faut faire cuire l’aliment plus longtemps, mais on obtient aussi un tout autre jeu d’arômes.
La cuisine soluble :
C’est bien connu, pour faire cuire des pâtes, il faut mettre du sel dans l’eau de cuisson. Mais quelle quantité ? Une pincée ? Deux ? En tout cas, cela ne viendrait à l’idée de personne de verser toute la salière. D’autant plus que, si l’on versait plus de 358 grammes dans un litre d’eau, on n’arriverait plus à dissoudre le sel. Et oui, l’eau serait saturée ! Le sel est soluble dans l’eau jusqu’à une certaine limite qui est celle de 358 g/L à 20 °C. Mais si en plus, l’eau est chauffée (c’est quand même mieux pour faire cuire des pâtes), la solubilité augmente. On pourrait donc rajouter du sel en cours de cuisson !
La chimie du temps :
Pour faire du pain, on l’a dit, il faut de l’eau, de la farine et de la levure. La levure (de boulanger) est composée d’organismes vivants. Ces organismes vivants utilisent le gluten présent dans la farine pour former du gaz carbonique (CO2). Au cours du temps de repos du pain (avant de le faire cuire), le gaz carbonique fait gonfler la pâte. Puis lors de la cuisson, les bulles de gaz s’échappent et font des trous dans le pain. Ce temps de repos est donc nécessaire pour la levure de boulanger. Mais pas avec la levure chimique ! En effet, la levure chimique dégage du dioxyde de carbone dès qu’elle est humidifiée. Il faut alors la cuire sans tarder.
La chimie de la découpe :
Vous préférez une découpe en julienne, en brunoise ou en sifflet ? Soyez prudent, la manière dont vous découpez vos légumes change la manière dont vous les percevez. D’après Brendan Walsh, doyen du Culinary Institute of America, un légume rond est plus juteux et un légume carré est plus difficile à macher. Mais assez de philosophie, parlons chimie. Découper un aliment, c’est casser ses cellules. Pourquoi un oignon fait-il pleurer ? Car la découpe libère un gaz qui réagit avec nos yeux pour former de l’acide sulfurique. Mais la chimie explique également l’odeur des aliments. Découper une tomate, c’est libérer des enzymes qui réagissent pour produire l’arôme. De plus, certaines molécules peuvent avoir une odeur de fraise, d’autres de caramel et ensemble une odeur d’ananas !
Gastronomie moléculaire et cuisine note à note :
Vous l’aurez compris, la limite entre la cuisine et la chimie est mince, si ce n’est qu’en chimie, il vaut mieux éviter de lécher la cuillère. De nos jours, cette limite s’atténue encore avec l’apparition de la gastronomie moléculaire et de la cuisine note à note. Créée en 1988, la gastronomie moléculaire est la discipline scientifique qui a pour objectif la recherche des mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires. La gastronomie moléculaire fait donc partie du domaine des sciences et non de la cuisine. Attention à ne pas confondre ce terme avec la cuisine moléculaire qui désigne la cuisine à l’aide de nouveaux outils, ingrédients et méthodes tels que l’utilisation de siphons ou d’azote liquide. De son côté, la cuisine note à note semble être le futur de la cuisine. Elle consiste à cuisiner à l’aide de composés purs, extraits des aliments ou synthétisés. Le cuisinier recrée les odeurs, les textures et les goûts à partir de composés comme de l’eau, des protéines, des lipides, des sucres ou encore des minéraux. Cuisiner note à note permettrait de répondre aux enjeux alimentaires de 2050, lorsque la population mondiale atteindra les 10 milliards.
Sources :
https://www.alimentarium.org/fr/savoir/la-reaction-de-maillard
https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/chimie-science-reinvente-cuisine-chimie-cuisson41446/#les-reactions-de-maillard-les-secrets-de-la-cuisso
https://www.centre-sciences.org/ressources/la-cuisine-cest-de-lachimie#:~:text=Cuisiner%2C%20c'est%20faire%20de,farine%20et%20de%20l'eau.
https://www.chambresyndicalelevure.com/2014/10/16/quelle-est-la-diff%C3%A9rence-entre-unelevure-chimique-et-une-levure-deboulangerie/#:~:text=Les%20levures%20de%20boulangerie%20sont,sucres%20pr%C3%A9sents%20 dans%20les%20p%C3%A2tes
https://www.konbini.com/food/la-facon-dont-coupe-aliment-t-elle-reellement-effet-sur-son-gout/ https://www.cuisineaz.com/articles/pourquoi-l-oignon-nous-fait-pleurer-458.aspx
https://www.techno-science.net/actualite/attention-deux-odeurs-peuvent-creer-troisieme-N20405.html
https://www.futura-sciences.com/maison/dossiers/maison-cuisine-note-note-cuisine-tendance-1582/
https://www.inrae.fr/actualites/cuisine-note-note-cuisine-novatrice-nourrie-science L’Actualité chimique n°471 : La cuisine note à note